
Berne met en consultation un projet de loi qui obligerait les grands services en ligne à compenser les médias pour l’usage de contenus journalistiques.
Nouvelle étape en vue de la création d’un droit voisin en faveur des éditeurs de presse. Ce mercredi, la Confédération a mis en consultation un projet de loi destiné à faire passer à la caisse les géants du Net comme Google pour l’utilisation de contenus journalistiques. Les aperçus d’extraits n’étant actuellement pas couverts par le droit d’auteur, ni les entreprises de médias ni les journalistes ne sont compensés pour leur usage. Une situation que le Conseil fédéral veut changer. Il estime en effet que les plateformes web profitent «largement» des prestations journalistiques et que celles-ci méritent une protection.
Dans les grandes lignes, le texte prévoit que seuls les «grands» services en lignes seront soumis à l’obligation. Il entend par là ceux qui comptent un nombre annuel moyen d’utilisateurs de 10% au moins de la population suisse. Une société de gestion représentant collectivement les intérêts des éditeurs et des journalistes serait chargée de négocier le montant de la rémunération. Selon le Conseil fédéral, cette approche permettait aux sociétés de médias régionales et de taille plus modeste de profiter aussi de la compensation. Une étude récente mandatée par Schweizer Medien, l’association des éditeurs alémaniques, a estimé que Google devrait verser pas moins de 154 millions par an aux éditeurs de presse helvétiques.
Médias sociaux
Le partage d’extraits par les utilisateurs de médias sociaux doit-il également donner droit à une compensation? Le projet laisse cette question ouverte et met deux options en consultation. Par contre, il précise que la simple création d’hyperliens ne donne pas lieu au versement d’une rémunération. Les nouvelles règles ne devraient rien changer pour les internautes, souligne le Conseil fédéral.
En instaurant un droit voisin en faveur des entreprises de médias, la Suisse suivrait l’exemple de l’Union européenne, qui a adopté une directive sur le sujet en 2019. Celle-ci est désormais mise en pratique dans la majorité des États membres.
Éditeurs divisés
Le projet suscite des réactions divergentes chez les éditeurs. Médias Suisses, qui compte «24 heures» et la «Tribune de Genève» parmi ses membres, se réjouit de «l’orientation» prise par le Conseil fédéral. L’association trouve notamment «juste que la solution proposée prête une attention particulière aux maisons d’édition de petite et de moyenne taille». Elle salue aussi la volonté de faire bénéficier les journalistes des possibilités de rémunération. Elle considère que la création d’un droit voisin permettra de renforcer le journalisme en Suisse.
L’Association Médias d’Avenir (AMA), qui représente 25 médias indépendants, est, quant à elle, opposée à la révision. Elle estime que celle-ci barre la route à un vrai débat sur les mesures nécessaires pour venir en aide au secteur des médias. Elle redoute par ailleurs que le projet favorise les grands groupes.
Google, de son côté, reste sur la réserve. «Nous allons examiner en détail la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins proposés par le Conseil fédéral et participerons au débat», dit un porte-parole. La procédure de consultation court jusqu’au 15 septembre.
© Photo: Keystone
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