Dans son argumentation, la conseillère aux Etats Gössi rappelle que la Suisse, qui ne dispose pas de ressources naturelles propres mais d’une force d’innovation d’autant plus grande, a toujours accordé une place importante à la protection de la propriété intellectuelle. Elle ajoute : « Les progrès fulgurants dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) remettent en question cette protection essentielle, ce qui met gravement en danger la capacité d’innovation et la concurrence loyale en Suisse.

Cette tendance concerne les auteurs et les titulaires de droits de tous les domaines créatifs. Mais elle est particulièrement forte dans le domaine des médias. Ainsi, des contenus médiatiques sont utilisés sans autorisation par des services d’IA internationaux pour développer des modèles linguistiques (training et fine tuning). Même les barrières payantes des médias suisses sont contournées par l’intelligence artificielle. Ainsi, les systèmes d’IA (comme par exemple Perplexity) accèdent automatiquement à certains contenus pertinents, reformulent les contenus et les restituent à leurs utilisateurs sous forme de « renseignements » (Retrieval Augmented Generation). Les médias suisses sont ainsi remplacés et évincés par les services internationaux d’IA en tant que fournisseurs de leurs propres informations. Pour la Suisse, qui dépend de médias libres, cette évolution est fatale. Du point de vue de la politique démocratique, le droit d’auteur doit donc être appliqué de manière conséquente et conformément à son sens et à son objectif.

Il convient de noter que les fournisseurs d’IA utilisent des contenus protégés, ce qui relève en principe du droit d’auteur.

Les contenus sont reproduits et modifiés, et ainsi rendus accessibles en Suisse. Il s’agit d’offres commerciales qui ne devraient pas être couvertes par les exceptions (limites) du droit d’auteur. En particulier, de telles offres ne peuvent pas être autorisées en tant qu’usage personnel, recherche scientifique ou simples reproductions fugitives ou d’accompagnement ».

Dans ce contexte, la conseillère aux États Gössi demande au Conseil fédéral de préciser ce qui suit dans la loi sur le droit d’auteur (LDA) :

  1. L’autorisation des titulaires de droits d’auteur est nécessaire lorsque des contenus journalistiques et d’autres prestations créatives originales sont extraits, traités et proposés à nouveau d’une manière ou d’une autre pour des offres d’IA générative – en tant que droits d’utilisation au titre de l’art. 10 al. 2 LDA ou de la clause générale de l’al. 1.
  2. Il convient de préciser dans les dispositions relatives aux exceptions (à l’art. 19, al. 3, et, le cas échéant, aux art. 24a, 24d et 28 LDA) que ces services et offres publics ne peuvent pas se prévaloir d’exceptions ou de limitations au droit d’auteur.
  3. Le droit suisse est applicable et les tribunaux en Suisse sont compétents lorsque des contenus sont proposés de cette manière en Suisse.

Le texte de la motion est cosigné par des voix importantes du Conseil des Etats, dont Isabelle Chassot, Josef Dittli, Matthias Michel, Damian Müller, Fabio Regazzi, Jakob Stark et Benedikt Würth.

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